mercredi 2 avril 2008

Pour James Coignard

Par la mort
tous les deuils réunis
La douleur
le cadeau de l‘accoutumance
à ceux que l’on délivre
en ne se sauvant pas
Immobilisme
issue formelle

Le jeu du malheur
est une forme fixe
mais
dans la peinture
l’homme-bouteille
porte son sarcophage
La main de l’artiste
le coud dans le livre
et
page à page
lui récite une vie
Il envoie des flèches
entre les points dits cardinaux
points charnels
un corps crucifié
quand il accueille
et chaque étape
est une lettre
qui progresse vers l’alphabet
Dire
est une intensité
trace des sons
dans le sable
Une tension
qui garde au silence
sa plénitude

L’homme adulte
porte le nom d’un autre
et même déjà
celui de l’enfant qu’il fut
Teddy James
se souvient de 14 :
un mensonge de fleur caillée
entre les lèvres


Les tombés
que l’on planta couchés
leur jeunesse
coulant en mèches
sur l’œil resté ouvert
Un prénom comme une crête
qui passe d’un fantôme à l’autre
en changeant de couleur
James/James
voilà
qui peint l’exil d’un nom
qui fait d’un fragment
ces salissures que sont les paysages
comme dans la transparence
l’impureté fait soleil

Et après qu’il les ait peints
on voit dans la lucarne
la présence des abandonnés
Tous se tenant droit
malgré la solitude
qui renverse la tête
attendant
que s’assemblent
voyelles et consonnes
qui forment l’aveu

Le grand homme
à sa table
se pose là
comme un temps affirmé
Horloge immuable
contre la catastrophe
Et à quoi se fiera-t-on
si lui n’en revient pas ?

Il aura fallu cogner
longtemps
pour abattre l’arbre
Trancher la sonde
par une lame de fumée
La vie donnait du temps
celui de la perdre
avant de crier au centre
les mots du milieu


Et sur le sol qu’il fit
une moëlle d’esquisses
la poubelle bat de l’aile
pour devenir l’empreinte

Les buveuses de thé
mettent l’œil
au bol de larmes
On ne sait plus
qui est l’épouse
du laissé seul
dans un lâcher de morphèmes
Si c’est la Demoiselle de Vertu
dont les paupières cachent la garce
ou celle
hors champ
qui veille le sommeil
de la déposition
un disloqué
qui se repose ?

La vie ose
laisser tomber des mains
les paroles
que la bouche a retenues
Et regardant par la fenêtre
le soleil qui compose un tableau
je vois ce qui persiste
à travers ce qui de lui ou de moi
chaque jour
s’en va



TITA REUT
A Nice, le 11/3/08

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