lundi 24 mars 2008

James Coignard est parti, il s’en est allé à l’approche du printemps...
A nous de fermer les yeux du peintre… De nos doigts frémissants sur une œuvre aimée…
Laisser résonner en nous cette cicatrice gravée de silences, sur les stratifications secrètes de la mémoire du peintre James Coignard.


Dans l’œuvre de James Coignard, j’ai vu des fenêtres de maison condamnée dans les abîmes de l’oubli, des lignes en questionnement d’un point vers l’autre, A vers B, 1 vers 2 puis vers S, Deux bleus, Des rouges en situation, un horizon cherchant en vain à rejoindre d’autres points, Des positionnements, Des propulsions… La dynamique verticale nous ramène au point , Les Corrosions au sillage du temps , de la verticale, du trait d’union, du fil à plomb, des ponts de signes gravés, inventés, réécrits jusqu’au lit de la rivière, sous Tension horizontale…

Cet équilibre latent des figurines, mannequins, prêts à vivre, à s’animer mais comme retenus dans les fibres du papier, de l’écorce, de la peau parcheminée de la cicatrice de ce peintre…

Des papiers mordus de cette originelle incision, d’une saignée puissante d’intérieurs vers d’autres extérieurs, d’un double se cherchant en s’effaçant en une image sans miroir, faite parfois de contours tracés, écrits, crayonnés mais non de l’enfance, semblant venir de rêves ininterrompus et répétitifs...
James Coignard a tracé un parcours sans interruption, sans rendez-vous, du fini du collé du repris du jeté, du corps, des morceaux de mer, de nuages, des flèches lancées pour qu’elles se perdent…

Qui est le double approché en cette immense solitude ? que James Coignard n’a cessé d’inscrire silencieusement, de peindre en remaniements modifiés de verticales en directions suspendues, James Coignard n’a eu de cesse de peindre la pesanteur, l’équilibre des formes semblant se balancer sans effort, cherchant à déterminer de mystérieuses présences, des points d’alignements, d’intermédiaires, entre les formes, de suspensions entre les couleurs.


James Coignard croisé entre le haut, entre le bas, ne s’est interrompu de mettre en réserve entre les lettres, une numérotation et des ponctuations graffitées, un là-bas, au-delà, à relire, à comprendre, un langage d’un autre temps, celui d’une mémoire ancienne…
Une peinture pour renaître, pour revivre, pour revenir…

Il y a quelques années j’ai réalisé une exposition à la Galerie Fersen* à Antibes, James Coignard était venu voir cette exposition, il avait inscrit ces mots sur le livre d’or de la galerie « Les beaux espaces... Bravo »
Continuant de peindre, j’ai essayé de garder en matiére, cette sentence…

Willem De Kooning écrivait « en peinture il arrive un moment où l’on se promène dans ses propres paysages… »
J’entends paysages comme de bien beaux espaces et je souhaite en pleurant une belle promenade à James Coignard, ce grand peintre, qui s’en est allé juste à l’approche du printemps, en ses bleus espaces …

*La Galerie Fersen créé par Judith Fox à Antibes, a défendu avec une grande passion les travaux de James Coignard.
De nombreuses œuvres gravées et peintes s’inscrivaient parfaitement sur les murs de cette petite galerie dont le combat d’une grande intensité résonnait haut et fort, au coin de la rue Fersen. Une exposition de dessins à l’encre de chine, de peintures et de gravures de 1965 à 1992 de James Coignard, y avait été présentée en décembre 1992.

Daphné Bitchatch/ Paris/ Mars 2008

Merci pour ce très beau texte

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